Biotopia nous plonge dans l’univers des êtres vivants qui peuplent notre planète, et en premier lieu les invisibles: micro-organismes, vers, bactéries et autres composés organiques. Dans l’exposition, d’une part des artistes dévoilent les mystères du vivant et d’autre part, des designers et ingénieurs présentent des innovations, comme les biomatériaux, basées sur le recyclage de déchets organiques ou inspirées du vivant.
Notre corps est composé à 90% de bactéries avec lesquelles nous vivons en symbiose. Ani Liu nous les donne à voir à travers ses " baisers du futur ", des moulages de lèvres en agar, support à une culture de bactéries diverses, comme dans nos échanges de baisers avec d’autres humains. Les bactéries évoluent au fur et à mesure de l’exposition. Libre échange mais pas vraiment sexy…
Et puisque ça grouille en tous sens, le génial artiste suisse Zimoun qui travaille le son et les matières, nous offre une jolie métaphore avec l’enregistrement de 25 vers à bois enfermés dans un morceau d’écorce.
Le seul être vivant que nous verrons à l’œil nu est un magnifique bernard-l’hermite installé dans un coquillage en résine imprimé en 3D et curieusement surplombé d’un paysage urbain : New York, Paris ou Berlin avec le Reichstag. Avec son installation "Pourquoi ne pas donner un abri aux bernard-l’ermite ? ", l’artiste japonaise Aki Inomata établit un parallèle entre le comportement de ce crustacé qui change de coquille en grandissant, ou simplement chassé par un autre congénère, et les mouvements migratoires humains.
Comment communiquer avec un arbre ?
Gros coup de cœur pour les deux installations consacrées à un sujet très médiatisé dernièrement : les arbres et leur système de communication. Ça passe par le sol avec un réseau de filaments de champignon et dans les airs par l’intermédiaire d’un nuage de gaz et des molécules libérés à partir des feuilles, du tronc et des racines. Agnes Meyer-Brandis a récupéré ces composés volatiles et les a confiées à un parfumeur pour en tirer trois fragrances (racines-troc-feuilles) que l’on peut découvrir dans l’installation "One Tree ID". Le mélange des trois forme l’identité de l’arbre, ici un pin parasol. Un parfum complexe qui peut être porté par les visiteurs.
On le sait davantage, les arbres interagissent à travers un réseau de champignons développés autour des racines qui permettent des interactions comme le partage de nutriments ou la prévention d’un parasite. La sculpture interactive Econtinuum de Thijs Biersteker et du botaniste Stefano Mancuso recrée ce réseau de communication et simule sous nos yeux les échanges entre deux arbres à partir de capteurs récoltants en temps réel des données d’humidité, de CO2, de concentration de composants organiques volatils etc. qui seront rééquilibrés entre les deux arbres. Notre présence dans l’espace d’exposition influence bien sûr ces paramètres. Avec ces deux installations, nos promenades en forêt prennent une autre allure…
Du côté du Lab on découvre différents biomatériaux créés à partir de déchets ou de ressources naturelles. Les vêtements à base de pelure d’orange et les objets à base de noyaux d’olive du collectif Remix el Barrio dont on a déjà parlé ici ou les myco-cendriers à base de mégots de cigarette traités avec des champignons de la start-up belge PuriFungi. Plus flamboyantes, les porcelaines du Laboratorium KASK, colorées à partir de nanostructures de pigments biologiques, la mélanine, recréent les effets d’iridescence des coléoptères et des papillons. La comparaison est bluffante comme l’ensemble de BIOTOPIA qui atteste les valeurs d’interdépendance plutôt que de concurrence et ouvre des perspectives tangibles avec des innovations technologiques plus respectueuses de l’environnement.
BIOTOPIA au Pavillon à la Citadelle de Namur jusqu’au 27 novembre 2022